mercredi 15 septembre 2010

Cobra Gabe et Varan Joe (Jodi, toute la nuit - tome 2 : la carcasse et les os)

Jodi, toute la nuit
Voir aussi:
http://jodi-book.over-blog.com/

et
http://jodi.over-blog.net/
Tome 2 :
La carcasse et les os
Didier de Lannoy


Cobra Gabe et Varan Joe

Dans une économie de marché, on n'aime pas (personne), on baise (tout le monde, par tous les trous et dans toutes les positions) !



Roselières. Lieux de gagnage. Haltes migratoires. Eaux saumâtres des estuaires où carnassiers et ruminants se donnent rendez-vous. Lionnes hermaphrodites en embuscade à proximité des points d'eau. Aires de crimes et de viols, de nourrissage et de reproduction. Junkies brisant la vitre arrière gauche d'une voiture à l'aide d'une pierre, agrandissant le trou avec le coude, s'emparant d'un cellulaire ou d'une autoradio, dérobant les certificats d'immatriculation. Appâtant les petits enfants bien sages promenés distraitement par des veuves, des divorcés et des grand-parents qui errent, à la tombée du jour, dans les allées bitumées à la recherche d'un dernier orgasme avant l'impuissance, la ménopause ou le jugement dernier.
- On m’donne ses plus beaux jouets et son argent de poche, gamin ! On s’exécute, on n’crie mêm’pas, on n’appelle mêm’pas sa p'tite Mom ou son Pop chéri, on est bien gentil, on suit le mode d'emploi, on respecte les consignes, on m’balance son pognon, on m'refile sa crème glacée, on m'r'crache son chewing-gum. Poliment ! Dans la main droite ! Et plus vite que ça, bordel, ou j'te crève le ballon avec ma seringue ! Ou j't'arrache les oreilles avec les dents ! Ou j'te casse le nez d'un coup de boule sur la gueule !
S'asseyant sur les bordures de trottoir et les marches des perrons. Se mettant un garrot. Utilisant une cuiller pour diluer l'héro. S'échangeant les doses. Partageant les aiguilles.

Clap-claps de hauts talons. Gaz carboniques dégagés par des créatures de rêve. Maux de tête, yeux piquants, lourdeurs à l'estomac. Proies sexuelles et prédateurs nocturnes. Arbres carnivores. Singes ricanants. Crapauds toxiques. Cobras cracheurs. Vipères heurtantes. Orchidées vireuses. Fées-crocodiles dévoreuses d'hommes blettes et d'adolescents champignonnés. Sexes poubelles et roses cadavres dégageant des odeurs pestilentielles. Amours vénéneuses. Rituels de salutation. Simulacres de combats. Corps s'abandonnant aux mains expertes.
Immeubles à l'abandon. Portes et fenêtres murés. Incendies allumés par des squatteurs. Ou par les hommes de main d'un syndicat de propriétaires. Hululement des sirènes de pompiers. Crissements des grains de sable. Inspection des bosquets et des touffes de végétation. Repérage des proies. Approches furtives des séducteurs qui se glissent vers leurs victimes. Utilisant chaque repli du terrain. Dotés d'une vision exceptionnelle leur permettant de chasser dans l'obscurité.

Dans une encoignure, entre deux poubelles, sentant le parfum tourné, une femme luciole, en corsage vert acide, bouche ventouse fluorescente, yeux charbonneux, anneaux aux oreilles, crotte d'argent au bout du nez, barrettes accrochées aux arcades sourcilières, se prépare à éponger deux caves, sautille sur de vieilles platform-boots couinantes, rouges-vernies, hautes de 14,8 centimètres, assorties à la couleur de ses lèvres, usées par les trottoirs, se tortille, s'efforçant vainement d'ouvrir la braguette de son mini-short de plastique orange.
Déraillement de la fermeture à glissière. Touffe de poils pubiens coincée dans la tirette. De la sueur lui coulant entre les seins.
Elle insulte copieusement Cousin Gabe et Bon Papa Joe, vétérans décorés des guerres post-coloniales nord-américaines
- C'est pour ça que vous êtes venus m’voir ? Ou pour m’donner des nouvelles de Babe ?
qui attendent, en laissant de la bave suinter de leur gueule, qu'elle se mette en position et qu'elle leur tende son cul.
- Pour qui vous m'prenez les mecs ? Elle a vach'ment grandi, Little Mary ! Elle assure un service professionnel, maint'nant !
- Mais… Mais enfin, p'tite… T'es toujours notre p'tite Marie, non ?
- Elle a suivi des cours de manag'ment, Little Mary ! Elle identifie ses compétences, définit ses objectifs et cible sa clientèle ! Elle gère ses ressources et elle évalue ses performances, tout'seule, comme une grande ! Elle fixe les termes de ses contrats et passe ses marchés elle-même, Little Mary !
- Mais enfin, p'tite Marie…
- Elle a intégré l'économie marchande, Little Mary ! Elle ne fonctionne plus aux sentiments ! Elle copule au rendement ! Elle cause au téléphone, regarde la téloche, sirote son bourbon, grignote son pop-corn ou ses cacahuètes, feuillette ses magazines et s'roule ses pétards tout en bossant ! Elle n'arrête pas d'travailler ! Elle fait d'l'argent, Little Mary ! Autant qu'elle peut ! Le plus possible !
- Mais enfin, p'tite …
- Elle s'est privatisée, Little Mary ! Elle est la seule propriétaire de ses fesses et s'autogère complèt'ment ! Elle est dev'nue consultante sexuelle indépendante ! Elle travaille plus pour des p'tites culottes et des boutons d'braguette, Little Mary !
- Mais enfin...
- Je n'suis plus vot'petite ! C'est bien fini tout ça ! Ce s’ra le même service et l’même tarif pour tout le monde, compris ? On prend son ticket, on fait la file, on passe commande et on attend son tour, compris ?
- M'enfin…
- Et on enfile le modèle de capote agréé par l'entreprise ! Et on paie à l'avance ! Compris ?
La regardant se contorsionner. Affichant sur leurs tronches de ploucs véreux un sourire blet de citrouille égorgée. Subjugués par la beauté du serpent corail. Et ça leur fout une trique d'enfer.
- Dis-nous combien tu veux alors, p'tite ? s'impatiente Bon Papa Joe.
- Combien j'prends ? Tout ça dépend de l'orifice qu'tu t'choisis, honey. Vingt dollars pour la gorge, trente pour la vulve et quarante pour l'anus. Prix serrés, honey ! Prix d'ami !
-Yeah ! Quarante dollars pour le trou de balle ? C'est pas cadeau ! Tu m'dis quarante, moi j'te dis vingt-cinq !
- Bon, allez, soixante-cinq pour les deux, prix d'famille. Et c'est bien parce que c'est vous !
Convulsionnés, tremblant de tous leurs muscles, menaçant d'exploser, manquant décharger dans leur froc.
- J'n'en peux plus, j'n'en peux plus ! C'est moi qui tire le premier, Joe, tu permets ? Tu permets ? trépigne Cousin Gabe.
- Tu f’rais mieux de m'donner un coup de main, honey, si tu veux que j't'aide à t'vider les couilles et que j't'envoie au plafond ! s'énerve Little Mary.

Paire de platform-boots rouges-vernies, hautes de 14,7 centimètres, usées par les trottoirs, flottant à la surface de l’eau, servant de bouée de signalisation au cadavre de Little Mary, la mère de Babe.
- Yeaaah !
Etranglée par Cobra Gabe et Varan Joe.



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Quelques liens permettant de retrouver, dans le roman lui-même, différents personnages qui (malgré les étronçonnages et autres ravalements de façade entrepris en vue de rendre le bouquin "politiquement, économiquement, socialement et culturellement" plus correct) restent intéressants...

1. Little Mary


Cliquez sur:

http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-deux-2-3-a-2-5-54150041.html

et sur:

http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-quatre-de-4-2-a-4-5-54183379.html

et sur:

http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit---chapitre-six-54183782.html

et sur:

http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-six-6-1-deuxiemepartie-et-6-2-54183829.html


2. Vieux Jésus


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http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-quatre-de-4-2-a-4-5-54183379.html
ou sur:
http://jodi-book.over-blog.com/article-jodi-toute-la-nuit-chapitre-sept-54183988.html

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